Le donjon rectangulaire du château Saint-Jean se détache dans le ciel percheronnet, imposant gardien millénaire de Nogent-le-Rotrou. Ses pierres ocre témoignent d’une histoire presque millénaire, depuis sa construction vers 1040 qui en fait l’un des plus anciens donjons de France. Contrairement à la majorité de ses contemporains de forme carrée, ce colosse rectangulaire de 17 par 24 mètres s’élève à 35 mètres de hauteur. Plus impressionnant encore, ses murs mesurent 3,5 mètres d’épaisseur à la base et s’affinent progressivement pour atteindre 1,5 mètre au sommet.
Une architecture militaire d’exception révélatrice d’une époque
Cette particularité architecturale n’est pas anodine. Elle témoigne d’une ingéniosité militaire remarquable pour l’époque. Les dimensions imposantes de la base assuraient une résistance exceptionnelle face aux assauts ennemis, tandis que l’affinement progressif permettait d’alléger le poids total de la structure tout en maintenant sa robustesse.
L’époque de sa construction n’est pas anodine non plus. Érigé au cœur d’une région-tampon entre la Normandie et la Beauce, ce donjon avait une fonction stratégique essentielle : surveiller la frontière normande et protéger le territoire chartrain. Une position similaire à celle de nombreux monuments défensifs romains qui dominaient jadis les frontières de l’Empire.
La famille Rotrou, installée au Xe siècle par le comte de Chartres précisément pour cette mission de surveillance, a donné son nom à la ville. Rotroldus, premier seigneur de cette lignée, a marqué si profondément l’histoire locale que la ville est devenue Nogent-le-Rotrou, immortalisant cette dynastie dans la toponymie percheronne.
Un témoin privilégié des tourments de l’Histoire
Au fil des siècles, le donjon et son château ont connu bien des vicissitudes. Pendant la guerre de Cent Ans, la ville fut prise par les Anglais en 1359 après une bataille sanglante sur le pont Saint-Hilaire. Plus tard, en 1427, elle fut incendiée par Salisbury lors de la reconquête française.
L’histoire plus récente du château révèle une reconversion étonnante : durant la Révolution française, ce bastion militaire devint prison avant d’être vendu à des particuliers. Cette transformation inattendue rappelle celle de nombreux monuments historiques du Périgord qui connurent des destins similaires, passant de leur vocation défensive originelle à des usages civils.
Restauré par la commune au XXe siècle, le château accueille aujourd’hui un musée qui présente l’histoire locale et celle du Perche, transformant ce lieu autrefois fermé et menaçant en un espace de transmission culturelle ouvert à tous.
Un panorama urbain façonné par l’histoire
Du haut de ses 35 mètres, le donjon offre une vue imprenable sur la ville et ses alentours. On y distingue particulièrement les fameuses Marches Saint-Jean, un escalier monumental de 155 marches qui relie le château au quartier du Pâty, véritable cœur médiéval de Nogent-le-Rotrou.
Ce quartier du Pâty, avec ses ruelles pavées et ses maisons à colombages, est souvent surnommé « le Montmartre du Perche » en raison de son caractère pittoresque et de sa position dominante. La comparaison n’est pas sans rappeler les descriptions enthousiastes du château d’Azay-le-Rideau en Touraine, autre joyau architectural français dont la beauté suscite l’admiration.
L’épaisseur remarquable des murs du donjon – 3,5 mètres – reste l’un des records français pour une fortification médiévale. Cette caractéristique, bien plus qu’une simple curiosité architecturale, raconte la peur de l’invasion et le besoin vital de protection qui animaient les bâtisseurs de l’époque.
Mille ans après sa construction, le donjon rectangulaire de Nogent-le-Rotrou continue de défier le temps, sentinelle silencieuse veillant sur cette cité historique du Perche, témoignant d’un savoir-faire militaire médiéval d’exception et d’une histoire régionale tumultueuse mais fascinante.
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